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La réforme de la loi sur le statut de l’artiste en cinq points:
Pour une réforme de la loi sur le statut de l’artiste
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La réforme de la loi sur le statut de l’artiste en cinq points:
Pour une réforme de la loi sur le statut de l’artiste
C’est en constatant la pauvreté et la précarité qui affectaient la communauté artistique que le gouvernement québécois a adopté en 1987 la Loi sur le statut de l’artiste (LSA). Par ce moyen, le Québec octroyait aux artistes certains droits collectifs en matière de travail, en leur permettant notamment de négocier, collectivement, des ententes prévoyant des conditions minimales avec les producteurs et ainsi améliorer leurs conditions socioéconomiques.
À l’heure actuelle, une majorité des producteurs établis font partie d’une association patronale et appliquent des ententes collectives négociées avec les associations d’artistes. Toutefois, la loi ne prévoit aucune obligation pour un producteur (qu’il soit nouveau joueur ou producteur établi) de rejoindre l’association de son secteur d’activité et, surtout, d’appliquer l’entente collective négociée par celle-ci.
Rappelons l’objectif de la loi tel que poursuivi en 1987 : permettre aux artistes, en dépit de leur statut de travailleur autonome, de pouvoir miser sur la liberté constitutionnelle d’association afin de négocier des conditions minimales de travail et d’améliorer leurs conditions de vie, puisque ni la Loi sur les normes du travail ni le Code du travail ne trouvaient d’application à leur profession. Il est de notre avis que ce droit à la négociation collective se trouve bafoué lorsque le résultat – une entente collective établissant des conditions minimales – ne peut être réalistement atteint.
La faible proportion de productions régie par des ententes dans l’industrie musicale et celle de la danse, leur non-application dans le milieu littéraire ou encore la longueur inacceptable des négociations avec certaines associations de producteurs – plus de 20 ans dans certains cas ! – constituent d’autres réalités illustrant l’absence de possibilité concrète de jouir pleinement de son droit à la négociation collective.
Enfin, il est aberrant de constater que les programmes de subventions du gouvernement et de ses organismes publics ne sont soumis à aucune obligation de s’assurer de l’application d’une entente collective lors de la production de l’œuvre ainsi appuyée par les fonds publics. En refusant d’agir en la matière, le gouvernement vient ainsi cautionner ce que la LSA tente inadéquatement de bannir.
Il est pour le moins étonnant – sinon révélateur – que dès 1987, les artistes de plusieurs secteurs se soient regroupés en différentes associations. Celles-ci se sont vues investies, selon la méthode de reconnaissance prévue par la LSA, du pouvoir d’agir à titre d’agent négociateur pour convenir en leur nom d’ententes collectives établissant les standards minimaux en termes de conditions de travail.
À l’opposé, certains producteurs ont formé des associations. Toutefois, aucune de ces associations ne s’est prévalue de son droit d’être reconnue prévu à la loi, privant ainsi les artistes du secteur visé de bénéficier d’emblée des conditions minimales négociées avec cette association – et forçant leurs associations à multiplier les tables de négociation.
Une première avenue, appuyée par plusieurs, serait d’obliger tout producteur à rejoindre une association du ou des secteurs parmi lesquels il évolue. Agissant à titre d’agent négociateur pour l’ensemble des membres qu’elle représente, cette association reconnue conviendrait d’ententes collectives avec les associations d’artistes des secteurs concernés – ces ententes établissant alors des normes minimales applicables à l’ensemble des productions d’un secteur.
Il est à noter, de ce premier scénario, qu’une vaste majorité des artistes et de leurs associations se gouverne en respectant intégralement l’esprit et les objectifs de la LSA. C’est tout le contraire du côté des producteurs.
Certains producteurs s’opposent à la solution législative précédemment abordée. Pour ceux-ci, cette adhésion obligatoire violerait leurs droits fondamentaux en matière de liberté d’association. Rappelons-leur que l’ensemble de l’industrie de la construction fonctionne pourtant de cette façon : tout entrepreneur du secteur résidentiel, par exemple, doit être membre de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec et est obligatoirement tenu de respecter l’entente collective négociée par celle-ci.
Une autre option envisagée serait de recourir au pouvoir gouvernemental de décréter des conditions minimales pour les artistes de tel ou tel secteur. Ce pouvoir législatif, communément appelé « décret de convention collective », est utilisé par le gouvernement dans certains secteurs où l’on retrouve une situation comparable à celle de l’industrie culturelle :
Devant un producteur qui ne fait partie d’aucune association et qui n’est lié par aucune entente collective, certaines associations d’artistes soumettent aux producteurs des normes minimales faisant l’objet de reconnaissance volontaire. On y retrouve des normes élémentaires en matière de conditions de travail, présentes dans plusieurs ententes et reconnues par la majorité des intervenants du secteur en question. Ces éléments pourraient servir de base à un décret de convention collective de la part du législateur.
Ainsi, il serait possible d’instaurer un mécanisme semblable à la Loi sur les décrets de conventions collectives permettant au gouvernement d’adopter un décret afin que ces conditions minimales d’engagement soient obligatoirement applicables à l’ensemble des producteurs du champ d’activité visé. À défaut d’avoir une association de producteurs établie, le secteur de la danse pourrait, à titre d’exemple, faire l’objet d’un tel décret.
Que ce soit par la voie de crédits d’impôt ou des différents programmes de subventions, un producteur qui n’est pas lié par une entente collective et qui n’est pas membre d’une association de producteurs peut recevoir du financement du gouvernement sans avoir la moindre obligation de garantir aux artistes qu’il engage des conditions minimales de travail.
Or, quand on sait à quel point le financement public est non seulement essentiel au milieu des arts et de la culture, mais qu’il constitue une part importante de son chiffre d’affaires, on est en droit de remettre en question cette tolérance de nos institutions publiques à l’endroit de contextes de travail où les artistes n’ont aucune protection en matière de rémunération ou d’environnement de travail sain, sécuritaire et exempt de harcèlement psychologique ou sexuel.
Nous sommes d’avis que tout producteur désirant obtenir du financement public devrait d’abord et avant tout montrer patte blanche. Celui-ci devrait donner l’assurance au bailleur de fonds qu’une entente collective négociée avec les associations d’artistes concernées, comprenant des normes minimales en matière de conditions de travail, sera appliquée à chaque étape du processus de production. Une telle assurance serait ainsi conditionnelle à l’obtention du soutien financier du gouvernement et de ses organismes publics.
La réforme de la Loi sur le statut de l’artiste doit en priorité colmater les brèches qui permettent à certains producteurs de ne pas respecter les ententes qui régissent le milieu :
La réforme attendue doit également rapatrier le secteur de la littérature afin que les auteurs et autrices puissent négocier des ententes collectives avec les diffuseurs et les producteurs.
Contrairement aux autres artistes, les écrivaines et les écrivains sont actuellement exclus du droit à des ententes collectives pour le milieu de l’édition. Dans l’industrie musicale et celle de la danse, une faible proportion des productions est régie par des ententes qui instaurent des conditions minimales.
Tout se passe dans des négociations de contrats de gré à gré, le rapport de force s’avère pratiquement inexistant et les conditions sont souvent imposées. Voilà pourquoi le champ d’application de Loi sur le statut de l’artiste doit être élargi.
Pourtant accessibles à tous, les dispositions de la Loi sur les normes du travail en matière de harcèlement ne s’appliquent pas d’emblée à l’industrie culturelle. Les associations d’artistes doivent en négocier les principes entente par entente. Pourquoi les artistes et les travailleurs du milieu culturel n’ont-ils pas droit, ipso facto, aux mêmes protections que le reste de la population ?
Au Québec, il est de la responsabilité de l’employeur de fournir un environnement et des pratiques de travail sécuritaires. Ces dispositions s’appliquent à tous les milieux de travail, que ceux-ci soient syndiqués ou non. Il n’existe aucun mécanisme formel prévoyant que ces lois s’appliquent aux artistes, même si ceux-ci peuvent, en certaines circonstances, bénéficier des dispositions de la loi. Certaines catégories d’artistes en sont complètement exclues, comme c’est le cas des concepteurs et professionnels des arts de la scène, qui travaillent pourtant… sur les mêmes plateaux de production.
Les programmes de subventions du gouvernement et de ses organismes publics ne sont soumis à aucune obligation de s’assurer de l’application d’une entente collective lors de la production de l’œuvre. Les producteurs, bénéficiaires de ces fonds, n’ont pas de comptes à rendre à cet égard et certains agissent impunément.
La portion de l’argent public qui se rend aux créateurs n’est certainement pas à l’échelle perçue par le grand public ni à ce qu’on pourrait appeler une juste répartition. Il faut au minimum modifier les programmes de soutien de l’État aux producteurs de manière à rendre conditionnel l’accès au financement public à l’application par ces producteurs de conditions de travail minimales pour les artistes.
À l’instar de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs québécois, les artistes doivent avoir accès à un tribunal spécialisé pour protéger leur liberté d’association, leur droit à la négociation collective et les protections qui en découlent.
Au Québec, c’est le rôle du Tribunal administratif du travail (TAT) : une procédure juridique simplifiée, des magistrats spécialisés en relations de travail et des coûts raisonnables. Comme tout le monde, les artistes doivent pouvoir y avoir accès.