05. Faire respecter nos droits

Au Québec, les personnes qui travaillent ont accès à un tribunal spécialisé afin de faire respecter leurs droits, que ceux-ci soient individuels ou collectifs. Avec une procédure juridique simplifiée, des juges spécialisés dans les relations de travail et des coûts raisonnables, le Tribunal administratif du travail (TAT) vise à faciliter l’accès à la justice pour les travailleuses et les travailleurs qui désirent faire respecter leurs droits.

À part quelques modalités juridiques bien précises, le TAT n’a pas juridiction pour interpréter et faire appliquer la Loi sur le statut de l’artiste. Ainsi, lors de représailles ou d’intimidation de la part d’un producteur ou encore pour tenter de mettre un terme à la mauvaise foi d’un producteur à la table de négociation, les artistes et leurs associations doivent se tourner vers la Cour supérieure du Québec. Inadaptée aux relations de travail, cette procédure leur demeure trop souvent inaccessible en fonction de ses coûts rébarbatifs.

Avoir accès au Tribunal administratif du travail

La vaste majorité des personnes travaillant au Québec est régie par l’une ou l’autre de ces deux lois : la Loi sur les normes du travail et le Code du travail. Afin de faciliter l’accès à la justice, le Québec s’est doté d’un tribunal simple et approprié afin de veiller à l’application et l’interprétation de ces législations ainsi que de tout contrat collectif de travail (les conventions collectives) : le Tribunal administratif du travail (TAT)

Aucun tribunal spécialisé n’a pour compétence de veiller à l’application de l’ensemble des dispositions de la Loi sur le statut de l’artiste.

Ainsi, bien que la loi impose aux employeurs l’obligation de négocier de bonne foi, la loi ne prévoit pas de mécanisme pour permettre au TAT d’intervenir en cas d’infraction. Par conséquent, un producteur qui refuse de négocier de bonne foi en laissant les pourparlers s’éterniser n’a pas trop à craindre de se faire rappeler à l’ordre.

Nous croyons qu’à l’instar des travailleuses et des travailleurs québécois couverts par le Code du travail, les artistes doivent avoir accès à un tribunal spécialisé pour protéger leur liberté d’association, leur droit à la négociation collective et les protections qui en découlent, afin notamment de :

  • Pouvoir statuer sur tout litige relatif aux droits et obligations des parties contenus dans le régime de relations de travail ;
  • Pouvoir intervenir lors de négociation de mauvaise foi, de représailles, d’intimidation, d’entrave ou d’ingérence.

Les parties prenantes à une entente collective d’un secteur ont accès à un mécanisme d’arbitrage de griefs afin de veiller à l’application de l’entente en question. Toutefois, les pouvoirs de l’arbitre – dont celui d’ordonner réparation à la partie fautive – demeurent sujets à la négociation entre les parties. Ainsi, la capacité d’un artiste à faire appliquer une entente collective demeure conditionnelle… à la capacité de son association d’avoir négocié les pouvoirs appropriés conférés à l’arbitre de grief. À l’instar du Code du travail, la Loi sur le statut de l’artiste pourrait aisément établir les pouvoirs de l’arbitre de grief plutôt que laisser ceux-ci sujets à la joute de la négociation.

Les solutions :

  • Donner pleine compétence au TAT pour interpréter et faire appliquer l’ensemble des dispositions de la Loi sur le statut de l’artiste ;
  • Établir les pouvoirs de l’arbitre de griefs, notamment en matière de réparation, au sein même de la Loi sur le statut de l’artiste.

La réforme de la Loi sur le statut de l’artiste en cinq points

01. Avoir droit à des conditions minimales pour tous nos secteurs

La réforme de la Loi sur le statut de l’artiste doit en priorité colmater les brèches qui permettent à certains producteurs de ne pas respecter les ententes qui régissent le milieu :

  • Des producteurs qui refusent de renouveler les ententes collectives en étirant les négociations, parfois pendant plus de 20 ans.
  • Des plateaux de production où l’on travaille au rabais sans les conditions minimales et salariales établies par les ententes collectives.
  • Des secteurs entiers où aucune entente collective n’est appliquée et où les conditions minimales de travail ne sont que partiellement respectées.

La réforme attendue doit également rapatrier le secteur de la littérature afin que les auteurs et autrices puissent négocier des ententes collectives avec les diffuseurs et les producteurs.

02. Élargir le champ d’application de la loi

Contrairement aux autres artistes, les écrivaines et les écrivains sont actuellement exclus du droit à des ententes collectives pour le milieu de l’édition. Dans l’industrie musicale et celle de la danse, une faible proportion des productions est régie par des ententes qui instaurent des conditions minimales. 

Tout se passe dans des négociations de contrats de gré à gré, le rapport de force s’avère pratiquement inexistant et les conditions sont souvent imposées. Voilà pourquoi le champ d’application de Loi sur le statut de l’artiste doit être élargi.

03. Pour des milieux de travail sains, sécuritaires et exempts de harcèlement

Pourtant accessibles à tous, les dispositions de la Loi sur les normes du travail en matière de harcèlement ne s’appliquent pas d’emblée à l’industrie culturelle. Les associations d’artistes doivent en négocier les principes entente par entente. Pourquoi les artistes et les travailleurs du milieu culturel n’ont-ils pas droit, ipso facto, aux mêmes protections que le reste de la population ?

Au Québec, il est de la responsabilité de l’employeur de fournir un environnement et des pratiques de travail sécuritaires. Ces dispositions s’appliquent à tous les milieux de travail, que ceux-ci soient syndiqués ou non. Il n’existe aucun mécanisme formel prévoyant que ces lois s’appliquent aux artistes, même si ceux-ci peuvent, en certaines circonstances, bénéficier des dispositions de la loi. Certaines catégories d’artistes en sont complètement exclues, comme c’est le cas des concepteurs et professionnels des arts de la scène, qui travaillent pourtant… sur les mêmes plateaux de production.

04. Pour que l’argent public ne ferme plus les yeux

Les programmes de subventions du gouvernement et de ses organismes publics ne sont soumis à aucune obligation de s’assurer de l’application d’une entente collective lors de la production de l’œuvre. Les producteurs, bénéficiaires de ces fonds, n’ont pas de comptes à rendre à cet égard et certains agissent impunément. 

La portion de l’argent public qui se rend aux créateurs n’est certainement pas à l’échelle perçue par le grand public ni à ce qu’on pourrait appeler une juste répartition. Il faut au minimum modifier les programmes de soutien de l’État aux producteurs de manière à rendre conditionnel l’accès au financement public à l’application par ces producteurs de conditions de travail minimales pour les artistes.

05. Faire respecter nos droits

À l’instar de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs québécois, les artistes doivent avoir accès à un tribunal spécialisé pour protéger leur liberté d’association, leur droit à la négociation collective et les protections qui en découlent. 

Au Québec, c’est le rôle du Tribunal administratif du travail (TAT) : une procédure juridique simplifiée, des magistrats spécialisés en relations de travail et des coûts raisonnables. Comme tout le monde, les artistes doivent pouvoir y avoir accès.

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